lundi 6 octobre 2014

Ça fait quoi de vivre à Johannesburg ?


Les gens, les inconnus, les voisins, qui disent Hi ou Howzit dès qu'on les croise. Les sirènes de police qui retentissent tous les jours, plusieurs fois par jour, qui font des bruits de fête foraine. Perdre l'habitude de marcher, de sortir seule, d'utiliser les transports en commun. Prendre l'habitude de ne voir que des Noirs qui nettoient les couloirs et qui vident les poubelles. Le soleil tous les jours, le ciel immense et bleu. Commencer à penser en anglais. Voir l'apartheid affleurer partout, tout près de la surface, pas bien cicatrisé. Pas de décalage horaire mais un décalage quand même, pas les mêmes saisons, pas les mêmes vacances. Les prénoms africains qui sonnent comme une suite de syllabes insensée et qu'il faut quand même retenir, très vite, par dizaines. Des tas d'oiseaux différents pour remplacer les pigeons. Les mêmes questions, ad nauseam. Why South Africa ? How is it so far ? Are you all romantic in France ? Les couchers de soleil sur la ville, rose et orange. Les gens qui marchent lentement, un rythme difficile à tenir. L'amitié gratuite, l'amitié a priori, trente secondes de conversation et that was nice meeting you. Un grand campus avec une piscine, des stands promotionnels et des arbres en fleurs. La frustration de ne pas savoir tout dire en anglais, de chercher ses mots et de faire dans l'à-peu-près. S'habituer à penser racialement et à renseigner sa race dans les formulaires. Les cours qui finissent souvent à 14h, les cafés qui ferment à 17h, et puis la nuit qui tombe juste après. Pouvoir dire si les cheveux d'une fille noire sont vrais ou faux, remarquer que 9 fois sur 10 ils sont faux et en tirer des conclusions sur les standards de beauté. L'adhésion massive à l'ANC, l'adhésion fière, qui se voit partout. Diviser les prix par 14, pour comparer, et puis arrêter de comparer parce qu'on sait ce que valent les choses. Être appelée Petronella. Essayer de suivre l'actualité alors qu'on manque de contexte, d'historique. Parler de robots et pas de traffic lights, de braai et pas de barbecue. Avoir des amis blancs qui embauchent des personnes noires pour laver leurs chiens. Les gens qui savent danser, qui osent danser. L'esprit révolutionnaire. Hier on a vu la fin de l'apartheid, demain ça peut être bien plus. L'été qui arrive.


On donne des cours de photo et des appareils jetables à des gamins des rues, on transforme leurs photos en carnets et en coques d'Iphone et on leur reverse les bénéfices. Ça s'appelle "i was shot in joburg :)"